Au cinéma, film historique ne rime pas forcément avec réalité. La preuve, avec Jeanne d’Arc de Luc Besson,dont l’histoire se passe en France pendant la Guerre de Cent Ans, mais qui a été tourné en anglais et en partie en République tchèque. Cette superproduction- 350 millions de francs- du réalisateur du Grand Bleu, a été pensée comme un film hollywoodien mettant en scène ce mythe français mondialement connu.
Le tournage a débuté en juin1998 et a duré environ sept mois. L’enfance de la pucelle n’a pas été filmée à Domremy, en Lorraine, son village natal, mais en Normandie. Le château où elle rencontre le dauphin Charles n’est pas celui de Chinon, mais la forteresse de Beynac en Dordogne. Le couronnement de Charles VII à Reims est en fait tourné à la cathédrale de Sées, près d’Alençon dans l’Orne. Enfin, quelques secondes du procès de Jeanne d’Arc à Rouen, et l’annonce de la défaite d’Orléans aux Anglais, se situent en fait à Poitiers, dans l’ancien palais de justice.
Un tournage à huis clos
Samedi 7novembre 1998, la salle des pas perdus du palais des comtes de Poitou- ducs d’Aquitaine a ainsi été fermée au public. La veille, l’équipe de tournage avait installé du mobilier d’époque, spécialement conçu pour le film: une immense table, des candélabres, des fauteuils majestueux à placer devant l’immense cheminée. Contre les murs, des tentures et des étendards aux couleurs des Anglais, mais aussi des épées, des lances, des boucliers, et des malles.Pour l’occasion, douze camions de matériel étaient garés sur la place.
Une matinée de tournage à huis clos, qui a été vécue seulement par une dizaine de figurants poitevins, réquisitionnés par l’ANPE (aujourd'hui France Travail) et des chasseurs de têtes, pour jouer des soldats. Tous âgés de 20 à 55ans et grands, selon les critères requis, ils ont été gratifiés d’une coupe au bol, contexte médiéval oblige. Ils ont évolué auprès des acteurs, de Luc Besson en personne, et d’une cinquantaine d’intervenants.
Dans cette courte séquence– où l’on reconnaît à peine les lieux-Jeanne d’Arc, est interrogée par l’évêque Pierre Cauchon, avant d’être finalement brûlée vive.
Jean-Marc Masteau, l’ancien gardien du palais, décédé en juin2023, avait aussi eu l’occasion d’y assister discrètement avec ses enfants. Il avait noté l’absence de l’actrice principale, Milla Jovovich. Ironie du sort, la salle des pas perdus, choisie pour son cadre solennel, a réellement accueilli Jeanne d’Arc en 1429.
Luc Besson au Futuroscope
Autre grand succès du réalisateur, le film d’animation Arthur et les Minimoys (2006). Une trilogie qui débouchera même sur une attraction en 4D, qu’il est venu inaugurer au Futuroscope en 2009, en même temps que le second volet de cette saga.
Aller plus loin
L’épopée de Jeanne d’Arc a inspiré bon nombre d’auteurs et de réalisateurs. Du grand Georges Méliès en 1900, jusqu’à Luc Besson en 1998, les films s’attachent à différents pans de l’histoire de cette jeune femme.
Après des succès comme Le Grand Bleu (1988), Nikita (1990), Léon (1994) et Le Cinquième Élément (1997) qui a attiré près de 7,7millions de spectateurs dans les salles obscures en France, Luc Besson a choisi de raconter l’épopée de Jeanne d’Arc, jouée par Milla Jovovich, aux côtés de Dustin Hoffman (sa conscience), et le jeune Vincent Cassel (Gilles de Rais).
L’histoire de cette petite fille qui assiste au pillage de son village, Domremy, par l’armée anglaise, a été adaptée pour les besoins du film. Respectant la légende, le réalisateur met en scène cette enfant très pieuse qui entend des voix la sommant de s’engager à délivrer la France de la domination anglaise. Le film raconte ensuite sa victoire à Orléans, jusqu’à son procès final à Rouen, et sa mort sur le bûcher, le 30mai1431, à l’âge de 19ans. Pour ce long métrage (près de trois millions d’entrées et 67millions de dollars de recettes d’exploitations mondiales), Luc Besson a décroché deux César en 2000 (son/décors et costumes).
Un mythe qui continue d’inspirer puisqueBruno Dumont a réalisé Jeanne en 2019, et Baz Luhrmann, réalisateur australien de Roméo +Juliette, Moulin rouge et Elvis s’y intéresse pour son prochain film.
La pucelle d’Orléans est réellement venue à Poitiers, en 1429, pendant la Guerre de Cent Ans. Après sa rencontre à Chinon avec le dauphin Charles, qu’elle considère comme l’héritier légitime du royaume de France, Jeanne d’Arc va être envoyée à Poitiers afin de faire face aux théologiens de l’Université de Paris réfugiés en Poitou. Pour prouver sa légitimité à devenir chef des armées, il fallait en effet que la dimension divine de sa mission soit reconnue. Elle est logée à l’Hôtel de la Rose (aujourd’hui disparu, une plaque sur un immeuble de la rue de la Cathédrale rappelle son emplacement). Elle y réussit son examen de conscience et son test de virginité. Toutes ces procédures terminées, elle est envoyée par Charles à Orléans, où elle vaincra les Anglais en mai. Avant d’accompagner le roi se faire sacrer à Reims en juillet. Canonisée en 1920 (cinq centsans après sa mort), une statue de Jeanne d’Arc, ailée et victorieuse, est érigée en 1929 dans un square poitevin, près de la tour Maubergeon.
